Dimanche 16 février 2014 à 8:04

retour au doux après des marches et des marches pour grimper dans le vieux Québec, après être passés devant un escalier dont le nom, que j'ai oublié, signifiait l'épuisement, quelque chose comme "de l'affaissement" ; retour au doux après le froid venu s'installer sous les vêtements - après les bains de glaces, pour tous ces téméraires aux peaux rouges et aux yeux luisants - après les queues de castor à la cannelle - après que l'on s'est dit que nous ne ferions pas la queue et qu'on s'est installés autour d'un feu de bois dont la fumée me venait faire pleurer les yeux - après que j'ai vu avec tristesse des mains jouer ensemble - après une danse sur la chanson du carnaval et après une attente infinie de quelqu'un qui devait venir, qui était en route, et toute une bûche a eu le temps de se brûler, et le feu de mourir durant ce temps - retour au doux après qu'on m'a prêté des moufles grosses comme des gants de boxe - après le chemin de neige qui conduit dans les hauts de Québec, sur une colline blanche surplombant la lente promenade du fleuve - la dérive des blocs de glace grise - un édifice rouge, monumental, dressé comme un étalon en bord de terre - au loin, si loin, le pont qui semble une ficelle - le pont fragile - le pont dont on connaît pourtant l'aplomb, pour l'avoir photographié à notre arrivée, par les fenêtres du car - retour au doux après un lait chocolaté - après la patinoire, petit diamant blanc dans l'écrin des rues - nous passons sous des arches de pierres, nous longeons des bâtiments coquets qui en côtoient d'autres, sévères, mais avec lesquels ils partagent ce rêve de pierres - il y a le pub anglais, ensuite, plus bruyant que l'enfer, où l'on joue un blues que jamais je n'aurais qualifié de blues - où ce type du massachussets s'asseoit près de moi, et cela devient tout un jeu de lui apprendre à dire des choses françaises - plus tard, V. se vante d'être imabattable au jeu des regards - elle ne baisse pas les yeux, qu'elle a par ailleurs magnifiques et dont l'intensité fait frémir - il suffit qu'ils fixent quelqu'un - alors s'élève un petit rire perçant du fond de sa pupille - en même temps, cette acidité ou cette possibilité d'être carnivore qu'ont ses yeux... - si on la regarde, il y a chute - alors V., forte de cela, met chacun son tour au défi et gagne systématiquement, avant qu'arrive mon tour et que nous nous affrontions de longues minutes durant - même encore lorsque la serveuse apporte nos factures - on se renvoie comme un défi - il nous faut des juges extérieurs qui finissent par nous déclarer ex aequo après que la bataille a trop duré - et l'on se serre la pince en rigolant - vient ensuite le temps de rentrer - nous remontons jusqu'à la place du carnaval - un moment bloqués, comprimés dans la foule où je suis au bord du malaise, mais C. me tient la main et M. me tient le bras et E. me porte presque en traçant un chemin - nous descendons ensuite les escaliers innombrables dans l'autre sens - je songe pour la seconde fois de la journée à l'ascension semblable dans la ville de Genève, il y a quelques mois, quand c'était d'autres escaliers, d'autres températures, d'autres yeux et pourtant le même essoufflement - puis la douleur aux mains quand le vent d'altitude vient les lécher un temps - un champ de neige que l'on traverse en bondissant, en y tombant, à quatre pattes on en a jusqu'aux cernes - je porte un lourd bloc de glace - il y a ce banc sous la neige, que l'on devine par le dossier qui en émerge un peu - après quoi, dans le car, nous discutons de Guinée, de Maroc, d'Egypte, mes yeux se ferment - je ne suis pas très concentrée à cause d'un désir fou que j'ai mais que je garde obstinément secret - il fait nuit noire lorsque nous arrivons - retour au doux
confidences avec M.
odeur persistante du feu de bois dans mes cheveux et sur tout moi
les quatre livres achetés, déballés, chéris
un biscuit à l'avoine et une infusion pour dormir
il va être deux heures du matin



Par maud96 le Dimanche 16 février 2014 à 9:53
Un article tout en petits souvenirs glacés et "sensations" ! merci de nous l'avoir écrit, au prix d'une longue veille. En te lisant, on s'y croirait presque, dans cette ballade à la ville de Québec et la montée dans la vieille ville : cet énorme château, qui s'impose au "touriste" qui arrive, fait presque peur ! Et, très sympa : tous les petits gestes de soutien mutuel entre vous, dans ce périple : finalement, votre groupe semble se souder comme un pack de rugby !
Par Satine le Samedi 1er mars 2014 à 13:12
<3
 

Ajouter un commentaire

Note : monochrome.dream n'accepte que les commentaires des personnes possédant un compte sur Cowblog : vous devez obligatoirement être identifié pour poster un commentaire.









Commentaire :








Votre adresse IP sera enregistrée pour des raisons de sécurité.
 

La discussion continue ailleurs...

Pour faire un rétrolien sur cet article :
http://monochrome.dream.cowblog.fr/trackback/3260871

 

<< Page précédente | 1 | 2 | Page suivante >>

Créer un podcast