Photo : Montréal, janvier 2014
un type parlait, hier, (nous nous sommes gentiment moqués), de "tristesse linguistique"
au rayon des émotions dont l'expression laisse perplexe, je parlerai un jour de tristesse des fins de Québec - de l'angoisse de quitter ces routes encore gercées, ces routes que la neige accumulée de jour en jour et que le froid, cet implacable, ont épuisées jusqu'à craquer - de l'Europe qui m'attend comme un mot menaçant - des soirées passées à recopier Aragon et Rilke, des soirées passées à les déclamer seule dans ma chambre et à sursauter puis me taire comme un enfant pris en faute si j'entends des pas dans le couloir... avant de reprendre - des soirées d'ici où tout est facile - du mauvais cidre lorsqu'il monte à la tête - des jetées sur le lac Massawippi, jetées où nous marchions dans le vent d'avril en râlant de froid pour certains, pour d'autres en gardant les mains grandes ouvertes - je ne veux plus quitter les yeux marrons ni leur ignorance de mon frisson d'eux - rentrer c'est atterrir quand j'étais si légère, quand j'avais trouvé une famille, des que j'aime et qui m'aiment, quand on s'est mis à m'appeler chaton, quand on me disait gentiment que j'habitais la lune - rentrer, alors que dans ces lumières sales des résidences universitaires on aurait tant à rire encore, rentrer est un regret que j'ai